dimanche 6 novembre 2016

Abcé du foie

Abcès du foie

Olivier Rogeaux Médecin, Centre hospitalier de Chambéry, France.
Les abcès du foie correspondent à la présence de pus collecté en une ou plusieurs poches à l'intérieur du foie. Ils peuvent être bactériens ou amibiens et sont plus fréquents en pays tropical que dans les pays du Nord. Actuellement leur traitement est médical.

I. Pathogénie

Le foie est un organe particulièrement résistant à l'infection, probablement grâce au système de défense réticulo-endothélial hépatique qui assure la destruction des bactéries arrivant par le système porte.
Un abcès du foie peut avoir plusieurs origines :
  • biliaire : à partir d'une infection des voies biliaires ascendantes (cholangite),
  • portale : à partir d'une thrombophlébite septique ou d'embolie septique compliquant une infection intra-abdominale (appendicite, infection péritonéale, amibiase colique),
  • infection par contiguïté : à partir d'un foyer de voisinage (infection de la vésicule biliaire...),
  • septicémique : à partir d'un foyer infectieux à distance et dissémination hépatique par l'artère hépatique,
  • secondaire à un traumatisme pénétrant du foie (blessure par arme blanche...).
Dans 20 à 25 % des cas, aucune source étiologique de l'abcès n'est mise en évidence. Ceci correspond probablement à des foyers infectieux à distance infra cliniques.

II. Principales causes des abcès du foie

1. Bactériennes

Les abcès bactériens sont souvent poly microbiens (55% des cas). Les gènes principalement responsables sont les bacilles Gram négatif (entérobactéries, en particulier E. Coli), les entérocoques et les anaérobies.
On retrouve des streptocoques ou des staphylocoques dans moins de 20 % des cas. Le micro-organisme responsable est fonction du terrain sous-jacent et du mécanisme étiologique de l'abcès.

2. Amibiennes

L'amibiase colique se complique d'un abcès amibien hépatique dans 3 à 9 % des cas.
Celui-ci peut survenir alors qu'il n'existe plus de signes digestifs coliques, ni de parasites dans les selles. L'antécédent clinique d'amibiase digestive n'est donc pas nécessaire pour porter le diagnostic.

III. Aspect clinique

  • Le symptôme principal est la fièvre, souvent oscillante, associée à des frissons se prolongeant sur plusieurs jours à semaines et s'accompagnant d'une altération progressive de l'état général : fatigue, perte d'appétit, amaigrissement rapide.
  • Une douleur de l'hypocondre droit est habituelle, souvent très vive, irradiant vers le dos et vers l'épaule droite, gênant l'inspiration profonde.
  • Elle gêne la palpation du foie qu'on pourrait trouver gros, mais dont le bord inférieur est très difficile à repérer. La percussion du foie (ébranlement) exagère ou réveille cette douleur de façon parfois atroce : elle ne doit être faite qu'avec prudence si elle est nécessaire. Elle fait la preuve du diagnostic.
  • En cas d'abcès du lobe hépatique droit (cas habituel), des signes respiratoires trompeurs sont fréquents, attirant l'attention sur le thorax : toux, point de côté, signes d'épanchement pleural (en réaction à l'abcès du foie), douleurs thoraciques.
  • L'ictère est rare, sa présence témoigne habituellement d'une angiocholite associée ou d'une atteinte hépatique diffuse en cas d'abcès multiples.
  • Parfois le tableau peut être trompeur avec présence d'une fièvre isolée avec très peu de symptômes douloureux de l'hypocondre droit.

IV. Diagnostic

1. Biologie

L'hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est habituelle. Il n'existe pas d'insuffisance hépatocellulaire. Les transaminases sont en général normales, les phosphatases alcalines modérément augmentées.
Les hémocultures, quand elles peuvent être réalisées, en particulier avec milieu anaérobie, sont positives dans 50 % des cas d'abcès bactériens.
La sérologie d'amibiase est fortement positive en cas d'amibiase hépatique. Elle a une grande valeur diagnostique.
En revanche, l'examen parasitologique des selles a peu d'intérêt car positif, il n'affirme pas le diagnostic, et négatif ne l'écarte pas.


 


Au stade initial, un traitement antibiotique adapté peut suffire. Dès qu'une collection organisée apparaît, l'association du traitement antibiotique et d'une évacuation de la collection purulente est indiquée. Cette évacuation peut être réalisée chirurgicalement, ou par voie percutanée.

Les critères de choix
Ainsi donc, s'il faut évacuer la collection purulente, tous les auteurs en sont d'accord, le problème est de choisir le bon moyen. Il faut alors tenir compte de l'état général du patient, de la taille et du nombre des lésions, des différentes techniques possibles et de leur accessibilité
  • L'état général du patient est le premier critère de choix. En effet, les facteurs de risque de mortalité sont connus [16] : l'âge de plus de 60 ans, un taux d'urée à plus de 3,32 mmol/L, une créatininémie supérieure à 177 μmol/L, une bilirubine totale supérieure à 35 μmol/L et une albumine à moins de 25 g/L sont des facteurs de risque pour une évolution défavorable. Ces patients pourraient donc peut-être bénéficier d'emblée d'un traitement plus agressif, c'est à dire un drainage.
  • La taille des lésions est également l'un des premiers critères de choix : les lésions de moins de 1,5 cm ne sont pas réellement drainables : une ponction évacuation est donc le seul geste possible tout en permettant un diagnostic bactériologique. Par contre, les lésions de plus de 1,5 cm de diamètre peuvent aisément être évacuées. De même, il semble peu réaliste de drainer par voie percutanée plus de 3 ou 4 lésions distinctes.
  • Enfin, le choix dépend des techniques disponibles localement : le drainage chirurgical, per-cutané et la ponction aspiration [13].

Les techniques

Le drainage chirurgical
Le drainage peut être effectué après laparotomie ou sous contrôle laparoscopique. Cette technique est très efficace mais non dénuée de risque. D'autre part, dans une étude comparative, Alvarez-Perez J.A. et al. ont montré que le traitement percutané était aussi efficace que le traitement chirurgical et qu'il n'y avait pas de différence en termes de mortalité ou de taux de complications entre les deux types de drainage [14]. Ainsi donc, pour la majorité des patients, un traitement percutané apparaît préférable car moins invasif.
Néanmoins, une intervention chirurgicale peut être justifiée d'emblée chez un patient présentant d'autres localisations abcédées intra-abdominales. Les avantages des drainages chirurgicaux sont en effet la possibilité d'explorer l'ensemble de l'abdomen, d'exposer le foie en entier d'excellente façon et d'obtenir un drainage des voies biliaires [14]. Un drainage chirurgical de préférence est parfois également nécessaire pour des patients présentant d'emblée des complications ou après échec du traitement initial percutané [1, 2, 13 et 14] : cette situation reste néanmoins rare, le taux de reprise chirurgicale après échec du traitement médical est estimé selon les séries, entre 2 à 10 % [15].

Le drainage percutané
La mise en place du drain par voie percutanée s'effectue sous contrôle échographique ou scanographique selon la technique de Seldinger. Le choix de la technique d'imagerie dépend plus des habitudes du radiologue que de réels différences de performance de la technique elle-même. On utilise des drains de 10 à 14 French, multiperforés, le plus souvent à double voie, permettant le lavage de la collection par une voie et l'aspiration par l'autre. Le drain est laissé en place jusqu'à évacuation complète de la collection. Une épreuve de clampage est parfois réalisée avant l'ablation complète du matériel. Quoiqu'il en soit, le drain peut être enlevé quand les signes cliniques et biologiques de l'infection se sont amendés et que le drain donne moins de 20 mL par jour. Cette technique, si elle est associée à un traitement antibiotique adapté, présente un taux de succès très élevé, estimé à 97-98 % [14 et 15].
Néanmoins, il s'agit d'une technique qui, comme toutes les techniques de drainage, présente des complications : obstruction, mauvais positionnement, migration, hémorragie, cassure du drain, ou encore difficultés voire impossibilité du retrait par blocage de la queue de cochon.

La ponction aspiration
En 1982, Berger LA et Osborne DR ont proposé de substituer au drainage une simple aspiration du pus [17]. Cette technique a l'avantage d'être moins invasive, de limiter la gêne pour le patient liée au cathéter de drainage souvent rigide et parfois douloureux, et d'éviter toutes les complications liées à ce type de matériel. De plus, en cas d'abcès multiples, elle est la seule technique percutanée réalisable.
Malgré ses avantages évidents, cette technique est peut être un peu moins efficace que le drainage, la guérison étant obtenue dans environ 60 à 97 % des cas, selon les séries [18, 19 et 20]. Ce taux de succès très variable est en partie lié au nombre de ponction aspiration réalisé par patient selon les séries : en effet, en l'absence d'amélioration rapide après une ou deux ponctions, une troisième, voire une quatrième peuvent être réalisées permettant d'augmenter alors le taux de succès de la technique. Trois ponctions nous semblent néanmoins le maximum à envisager. En cas d'échec de ces trois ponctions-aspirations, le drainage peut être alors proposé en seconde intention. Il faut savoir que la ponction-aspiration et le drainage sont des thérapeutiques qui permettent d'obtenir la guérison dans les même délais [18].






















References: 
1 - https://devsante.org/articles/abces-du-foie
2 - https://www.em-consulte.com/en/article/99946

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