Les lésions médullaires traumatiques et médicales (paraplégies et tétraplégies)
La paraplégie est une paralysie des deux membres inférieurs résultant
(sauf exception) d'une atteinte de la moelle épinière, traumatique
(accidentelle) le plus souvent, mais parfois médicale (maladie). On
englobe parfois sous ce terme aussi bien les paraplégies au sens strict
(lésions dorsales, lombaires et sacrées), que les tétraplégies (lésions
cervicales). La plupart des personnes atteintes de para ou tétraplégie
se déplacent en fauteuil roulant mais ce désavantage, bien visible,
s'accompagne de déficiences associées qui, si elles sont souvent
cachées, sont très gênantes voire sources de complications.
Qu'est-ce que la paraplégie et la tétraplégie?
La paraplégie résulte d'une atteinte de la moelle épinière et des
racines ou encore d'une atteinte importante des racines de la queue de
cheval (figure 1 et 2) : au sens strict, paraplégie signifie paralysie
des membres inférieurs, en pratique elle est presque toujours d'origine
médullaire. On parle de tétraplégie en cas de lésion cervicale : tétra :
quatre (membres) : les tétraplégies représentent environ un tiers des
atteintes médullaires.
Les accidents, dont on estime le nombre de cas annuels entre 1000 et
1500, en sont la première cause : ce sont donc le plus souvent des
sujets jeunes (15-35 ans) qui en sont atteints, plus souvent des hommes
que des femmes. Au total, les estimations du nombre de personnes
atteintes de para- ou tétraplégie en France sont de 25 000 à 30 000
(mais ce nombre comprend non seulement les lésions médullaires,
traumatiques ou non, décrites dans cet article, mais aussi des
pathologies assimilables comme le spina bifida).
Comment se manifeste-t-elle?
Les symptômes découlant de l'atteinte de la moelle épinière sont
nombreux, liés à la physiologie de la moelle épinière. Ce sont :
- des troubles moteurs;
- des douleurs;
- des troubles sensitifs;
- des troubles génito-sexuels;
- des troubles sphinctériens;
- des troubles respiratoires;
- vésicaux et intestinaux;
- autres troubles associés.
- des troubles neurovégétatifs;
Des troubles moteurs
Ils intéressent :
- la motricité volontaire dont l'atteinte se traduit par une paralysie
(atteinte complète : mouvements totalement impossibles) ou par une
parésie (atteinte incomplète : mouvements possibles mais de faible
puissance). La topographie de l'atteinte dépend du niveau de l'atteinte
vertébro-médullaire (figure 2). L'intensité de la paralysie peut être
homogène dans le territoire touché ou, au contraire, avoir plusieurs
niveaux d'atteinte, par exemple entre le côté droit et le côté gauche ou
entre la partie proximale (haut du corps, racine des membres) et la
partie distale (extrémités), souvent plus touchée en cas d'atteinte
incomplète (parésie) ;
- la motricité réflexe (qui règle le tonus musculaire). Deux cas de figure se présentent habituellement :
- soit une augmentation de la réflectivité musculaire par déconnexion
entre la moelle épinière et les centres régulateurs centraux (cerveau).
On note alors, la mobilisation des membres, une raideur qui s'oppose à
l'étirement des muscles et qui s'accroît avec la vitesse de celui-ci.
Cette raideur ou hypertonie, que l'on nomme aussi spasticité, entraîne
des mouvements anormaux automatiques appelés contractures (parfois pris
pour des mouvements involontaires);
- soit une disparition de la tonicité définissant alors l'état de
flaccidité ou d'hypotonie. On parle de paraplégie flasque. Cet état
résulte soit d'une destruction médullaire complète soit d'une atteinte
isolée ou associée des racines nerveuses. Il peut être transitoire
(début) ou persister définitivement. En ce cas l'amyotrophie (fonte
musculaire) est importante, le risque d'escarre et de phlébite accru.
Niveaux vertébraux (chiffres romains) et médullaires métamériques (neurologiques)
Des troubles sensitifs
Ils intéressent :
- la sensibilité superficielle (figure 3 et 4) qui véhicule toutes les
sensations cutanées : tact (sens du toucher) fin, douleur, chaud et
froid, tact profond. Son absence définit l'anesthésie, sa diminution
l'hypoesthésie. Tous les degrés d'atteinte peuvent exister chez un même
patient, avec par exemple une sensibilité au tact conservée et une
anesthésie complète à la douleur exposant donc la personne au risque de
blessures ou de brûlures accidentelles passant parfois inaperçues. C'est
en cas de perte totale de sensibilité que les risques d'escarres seront
majeurs;
- la sensibilité profonde qui nous renseigne en permanence avec
précision sur la position exacte de notre corps et sur les pressions et
les mouvements de cisaillement que subit la peau. Ceci explique que les
blessés médullaires doivent regarder leurs jambes et leurs pieds pour
savoir ou ils se trouvent et les tétraplégiques leurs mains pour pouvoir
s'en servir ou les protéger. Ce trouble est aussi à l'origine des
difficultés d'équilibre du tronc, associées à la paralysie des muscles
abdominaux, ainsi que des sensations de « vertige » et de peur du vide
que rencontre bon nombre d'entre eux.
Les dermatomes (territoires cutanés innervés par une seule racine médullaire). D'après O. Foerster et M. Maury.

Zones-tests utilisées dans l'évaluation des troubles de la
sensibilité cutanée et du niveau d'atteinte de la moelle. D'après O.
Foeerster et M. Maury.
La partie postérieure de la moelle, ou cornes dorsales (ou postérieures), véhicule :
- la sensibilité superficielle (tact, douleur, chaleur);
- la sensibilité profonde (perception du corps dans l'espace, pressions, vibrations, équilibre...);
- la sensibilité viscérale.
La partie antérieure de la moelle, ou cornes ventrale (ou antérieures), véhicule :
- la motricité des muscles striés (dont la contraction est commandée volontairement);
- la motricité végétative muscles lisses des viscères, des vaisseaux et des glandes.
- Fonction urinaire.
- Fonction intestinale
Des troubles sphinctériens, vésicaux et intestinaux
Les troubles vésico-urinaires résultent de l'atteinte de la
motricité, de la sensibilité et des réflexes (figure 6). Après une phase
initiale de rétention complète surviennent, si le traitement n'est pas
mis rapidement en route, des fuites urinaires et fécales. Il s'agit de
fuites par regorgement (trop plein) et la vidange, tant vésicale que
rectale, n'est jamais complète. Il y a donc toujours nécessité d'aide
pour évacuer le contenu vésical et rectal. Habituellement, on distingue
deux types de dysfonctionnement sphinctérien suivant qu'on est en
présence d'une atteinte spasmodique (présence de réflexes) ou flasque :
respectivement fonctionnement automatique (hypertonique) ou autonome
(hypotonique). La prise en charge thérapeutique diffère dans l'un ou
l'autre cas.
Des troubles neurovégétatifs
Ils se manifestent en cas de lésion cervicale et dorsale haute (niveau  D6) :
- hyper-reflectivité autonome (HRA) : élévations brusques
et intenses de la tension artérielle, accompagnées de céphalées
violentes, de sudation avec érythème (rougeur), de frissons et
d'horripilation (érection des poils). Les circonstances de déclenchement
de l'HRA sont multiples : les plus fréquentes sont d'origine urinaire
(globe vésical, sondage, infection urinaire) mais aussi cutanée, rectale
(fissure anale, hémorroïdes), viscérale...
- hyper ou hypothermie : variations de la température du corps, dues à
l'absence de régulation de vasomotricité et de sudation dans le
territoire sous lésionnel (partie du corps sous la lésion).
Des douleurs
On distingue deux grands types de douleurs :
- les douleurs par hyper stimulation : douleurs sus-lésionnelles
(territoire au dessus de la lésion), où la sensibilité est a priori
normale, d'origine musculaire, articulaire ou osseuse;
- douleur lésionnelles (au niveau de la lésion médullaire), par
radiculalgies (atteinte des racines) secondaires à la lésion vertébrale,
parfois par algodystrophie réflexe;
- douleurs sous-lésionnelles (partie du corps sous la lésion), de type viscéral, vasculaire ou musculaire.
- les douleurs par levée d'inhibition :
- douleurs lésionnelles. Elles siègent soit au niveau d'un territoire
hyper-esthésique, (avec renforcement par le moindre contact externe),
soit anesthésique, (souvent à type de brûlure);
- douleurs au niveau sous-lésionnel : souvent polymorphes, associant
des douleurs de type cordonal postérieur (atteinte des cordons
postérieurs de la moelle, sensations de broiement, de décharges
électriques ou d'éclairs) et des douleurs de type spino-thalamiques
(atteintes des voies de la sensibilité superficielle - cf. Physiologie médullaire et figure 4) à type de brûlures extrêmement pénibles.
Des troubles génito-sexuels
- Chez l'homme la fonction génito-sexuelle est profondément modifiée.
L'érection réflexe, nécessaire pour avoir des rapports, est absente
quand le syndrome lésionnel est complet au niveau des métamères sacrés (cf.
figure 2) (l'érection psychogène est cependant possible). Dans les
autres cas l'érection est souvent possible, en général à l'aide de
stimulations et de manœuvres appropriées. L'éjaculation, nécessaire au
recueil du sperme en vue de la procréation lorsqu'elle est souhaitée,
n'est envisageable que si les métamères D11, D12, et L1 ne sont pas au
niveau de la lésion médullaire. Dans les autres cas, des techniques
appropriées peuvent être mises en œuvre. Bien souvent une consultation
auprès d'un spécialiste de la paraplégie est nécessaire.
- Chez la femme, les troubles de la sensibilité périnéale, s'ils sont
complets empêchent la perception lors des rapports. L'orgasme reste
possible à condition que les voies réflexes lombo-sacrées soient
intactes. Après une période sans règles de 1 à 9 mois, habituelle en cas
de lésion traumatique, la femme est à nouveau féconde et peut mener à
bien une grossesse (une surveillance est nécessaire, spécialement pour
traiter les infections urinaires, surveiller les reins, surtout en cas
d'antécédents de pyélonéphrite : infection rénale). L'accouchement se
fait par les voies naturelles et sous péridurale, notamment s'il existe
un risque d'hyper-réflexie autonome ; les forceps sont appliqués en cas
de paralysie des muscles abdominaux. Le choix de la contraception se
fera après bilan général soigneux, du fait notamment du risque accru de
phlébite et d'infections.
Une information du couple est souhaitable sur les possibilités
génito-sexuelles du conjoint blessé car, on l'aura compris, tout est
affaire ici de cas particulier.
Des troubles respiratoires
Ils résultent de l'atteinte des muscles respiratoires : abdominaux,
intercostaux et, dans les atteintes les plus hautes (C4), du diaphragme
(tableau). Ils imposent souvent au début une assistance respiratoire
(intubation ou trachéotomie). Par la suite la kinésithérapie assurera la
« toilette bronchique » avec valorisation de l'expiration et de la
toux. Cette technique préventive sera enseignée au sujet pour qu'il la
pratique lui même régulièrement et en cas d'encombrement
broncho-pulmonaire. Le déficit des muscles abdominaux sera efficacement
compensé par le port d'une sangle abdominale, indispensable, au moins
dans les premiers mois de verticalisation, en cas d'atteinte cervicale
et dorsale haute (D6 et au dessus).
Atteinte respiratoire et niveau médullaire |
Niveau métamérique de l'atteinte médullaire |
Muscles respiratoires touchés |
Tétraplégiques |
C3 à C5 |
Diaphragme |
Paraplégiques |
D1 à D10 |
Intercostaux |
D6 à D12 |
Abdominaux |
Autres troubles
Les troubles circulatoires, en dehors des problèmes de la phase
initiale, découlent de la désadaptation cardio-vasculaire à l'effort
dont la cause principale est le déficit du retour veineux vers le cœur
(la paralysie des muscles de la partie inférieure du corps, surtout si
elle est flasque, entraîne une stase veineuse aggravée par la vasoplégie
: les muscles entourant les petits vaisseaux sanguins n'interviennent
plus pour réguler le débit). Le débit sanguin est diminué et ne peut
s'accroître normalement en cas d'effort physique, d'où une grande
fatigabilité, des hypotensions, des malaises,
etc.
La stase veineuse périphérique est cause d'œdèmes, eux-mêmes source de
fragilité cutanée, de thrombophlébites : le port de bas de contention
veineuse est indispensable.
L'immobilité forcée entraîne une décalcification osseuse, ou
ostéoporose, et un risque de calculs urinaires. Une diurèse importante
(boissons abondantes) est donc préconisée surtout dans les premiers
mois.
Quelles en sont les causes ?
Les causes traumatiques (blessures par accident) sont de loin les
plus fréquentes : entre 70 et 80 % des lésions médullaires totales.
Elles entraînent des para/tétraplégies médullaires traumatiques (d'où le
nom de blessés médullaires donné aux personnes atteintes de cette
façon). On assimile parfois à tort les para ou tétraplégies à ces seuls
cas de blessures médullaires par traumatisme accidentel alors que dans
25 % des cas, il s'agit de causes médicales.
Causes de paraplégies ou de tétraplégies
Causes traumatiques (blessés médullaires, ou para/tétraplégies traumatiques)
Les accidents de la route sont les plus fréquents, puis viennent les
accidents de sport, les tentatives de suicide, les plaies par arme à feu
ou par arme blanche.
Les accidents du travail peuvent être trouvés dans toutes les
catégories citées (en dehors du suicide), mais certaines lésions sont
plus fréquentes sur le lieu du travail. Citons: les chutes d'un lieu
élevé, les lésions par explosion, les électrocutions, les accidents de
décompression (plongée).
Causes médicales
Causes infectieuses ou parasitaires : abcès médullaire, mal de Pott
(abcès tuberculeux), épidurite tuberculeuse, bilharziose (parasitose).
Causes vasculaires: ramollissement ischémique de la moelle épinière
(infarctus médullaire ou myélomalacie), hématome extradural médullaire,
malformation artérioveineuse médullaire (angiome...), anévrisme de
l'aorte.
Causes tumorales: neurinomes, métastases vertébro-médullaires de
différents cancers, neurofibromatoses, maladie de Hodgkin et myélome.
Autres causes: toxiques (injections intra-rachidiennes),
arachnoidites (inflammation des enveloppes de la moelle), fractures
« pathologiques » des maladies rhumatismales (fracture du rachis non due
à un accident mais au fait que l'os est altéré: spondylarthrite
ankylosante, kyste rhumatoïde)
Les exceptionnels « accidents chirurgicaux » responsables d'atteinte
médullaire peuvent selon les cas être traumatiques (blessures) ou
médicaux (lésions par privation d'oxygène de la moelle - anoxie - durant
l'anesthésie).
Comment évoluent-elles?
Pronostic: Lésions traumatiques et lésions médicales aiguës ou subaiguës
On sait que, en matière de pronostic, tout se joue au moment du choc
pour les lésions traumatiques et dans les heures qui suivent
l'installation de la paraplégie pour les atteintes médicales (aiguë
signifie : soudain). Les mécanismes de la lésion sont maintenant mieux
connus. Sur le plan clinique, une lésion incomplète d'emblée a plus de
chances de récupérer qu'une lésion complète. Par ailleurs la vitesse de
récupération est un élément important. Généralement, le pronostic se
dessine dans les premières semaines. En l'absence de récupération deux
mois après le traumatisme les possibilités de récupération diminuent
très vite avec le temps. Il n'est cependant pas possible de se prononcer
de façon formelle et définitive avant une durée de 8 mois
post-traumatique en ce qui concerne les lésions de la moelle proprement
dite et avant 18 mois pour les atteintes des racines et des nerfs
périphériques associées.
Lésions dues à des compressions lentes de la moelle (neurinomes, méningiomes, etc.)
Lorsque le diagnostic est posé et que la thérapeutique a été mise en
œuvre, le pronostic dépend de la gravité de l'atteinte et du délai
d'intervention. En cas d'atteinte complète avant le traitement, le
pronostic sera sévère alors que plus la lésion est incomplète plus les
chances de récupération sont importantes. Dans ces cas, les symptômes
les plus longs à disparaître ou à s'atténuer sont les troubles de la
sensibilité profonde et la spasticité.
Mécanisme des lésions médullaires - perspectives préventives (dans les lésions traumatiques, voire médicales aiguës/subaiguës)
Mécanismes on décrit trois processus:
- des troubles circulatoires et hémodynamiques (pressions sanguines).
Le débit sanguin spinal est très nettement diminué dans les 15 minutes
qui suivent le traumatisme médullaire et ceci se poursuit pendant les
premiers jours. Les lésions sont aggravées par les troubles de la
tension artérielle;
- une réaction inflammatoire. Il se produit un afflux de globules
blancs au niveau de la lésion en 8 à 24 heures. Ces phénomènes
inflammatoires sont à l'origine d'un œdème qui aggrave les lésions. Ils
existent également au cours de la phase de cicatrisation médullaire:
- des phénomènes biochimiques. Il existe de nombreuses interactions de
phénomènes biochimiques complexes qu'on ne peut détailler ici. Ils
aboutissent à l'autodestruction progressive du tissu nerveux
Recherche et perspectives
Les neurophysiologistes travaillent sur le problème de l'absence de
régénération médullaire. Des travaux récents ont montré que, d'une part
l'implantation d'un segment de nerf périphérique dans la moelle épinière
entraîne la possibilité de régénération de neurones centraux à travers
le nerf greffé et que, d'autre part, l'implantation de cortex
neurologique ou de cellules embryonnaires dans une cavité expérimentale
intramédullaire s'accompagne d'une régénération nerveuse et de
connexions périphériques à travers un greffon nerveux. Les études
expérimentales au niveau de la moelle épinière lésée permettent
actuellement d'envisager des actions thérapeutiques dans plusieurs
directions dont:
- la prévention des lésions secondaires d'auto-aggravation par des
moyens médicamenteux mis en œuvre très précocement. Il n'est pas
impossible que dans les prochaines années on découvre un produit qui,
injecté dans les premières heures, empêcherait ou au moins limiterait
l'installation de la paraplégie;
- la stimulation de la régénération neuronale par la diminution de la
barrière cicatricielle, l'adjonction de facteurs de croissance et le
contrôle de la synaptogénèse (création de nouvelles connexions) Là, il
faudra sans doute attendre de longues années avant qu'on puisse obtenir
des résultats tangibles.
Les complications
Au début, le risque de décès est présent dans les para/tétraplégies
traumatiques pendant les toutes premières heures et la phase de
réanimation, surtout en cas de polytraumatisme. Il est primordial de ne
pas aggraver les lésions médullo-radiculaires (lors du ramassage du
blessé puis des installations : examens complémentaires par exemple).
L'immobilisation en matelas coquille est la règle pour tout déplacement
tant que la fracture n'est pas réduite et fixée (par contention externe,
ou ostéosynthèse). En même temps débute la prévention des escarres dans
les territoires anesthésiés (matelas spéciaux, changement de position
toutes les 2-3 heures), ce d'autant qu'il existe des troubles
tensionnels et thermiques. En cas de tétraplégie, la lutte contre
l'obstruction bronchique est souvent prioritaire (paralysie des muscles
abdominaux et impossibilité pour le blessé de tousser). Par la suite, la
survenue d'atélectasies pulmonaires (zone qui n'est plus ventilée) avec
infection est fréquente. Leur prévention passe là encore par des
changements fréquents de position et par des séances de respiration
dirigée et de percussion thoracique.
Par la suite, les complications fréquentes sont : les infections de
l'appareil urinaire (pyélonéphrites, cystites) et de l'appareil
génito-uréthral (prostatites, uréthrites), les calculs rénaux et
vésicaux; les thrombophlébites. Et plus rarement : les ostéomes
(formations osseuses anormales) ou para-osteo-arthropathies (
POA)
au niveau des grosses articulations (risque d'ankylose), les fractures
pathologiques survenant dans le territoire lésionnel pour un traumatisme
souvent mineur, dues à la décalcification et de diagnostic parfois
retardé du fait de l'anesthésie, les occlusions intestinales par défaut
d'évacuation des selles.
Quels traitements et prise en charge peut-on proposer ?
Il n'y a pas encore de traitement spécifique de la lésion médullaire proprement dite.
Traitement initial
C'est celui de la cause de la lésion. La réduction et la fixation de
la fracture ainsi que le bilan des lésions radiculo-médullaires en cas
de traumatisme et la cure de la compression dans certaines atteintes
médicales, sont le domaine du chirurgien.
Rééducation
Le médecin rééducateur et toute l'équipe du centre de rééducation
poursuivent le traitement en mettant en œuvre les soins spécialisés. Le
but du traitement est de permettre au blessé de retrouver au maximum son
autonomie personnelle, en utilisant toutes les ressources que lui
permettent les muscles situés dans le territoire sus-lésionnel et en
apprenant à connaître et à contrôler autant que possible des fonctions
situées dans les territoires lésionnel et sous-lésionnel.
- La kinésithérapie entretient la mobilité articulaire dans les
territoires atteints, lutte contre les rétractions qu'entraînent les
contractures et développe la force des muscles non paralysés. La
progression suit un ordre bien défini en fonction des possibilités du
sujet: premiers levers, installation au fauteuil roulant, travail de
l'équilibre assis, recherche de l'indépendance assise et maniement du
fauteuil. Quand cela est possible: rééducation en position debout
(appareillée le plus souvent) et apprentissage de la déambulation.
- L'ergothérapie sert particulièrement chez le tétraplégique:
apprentissage et perfectionnement des gestes quotidiens toilette,
habillage et coll.imentation),
l'étude des aides techniques et des adaptations nécessaires au domicile
et pour les déplacements (fauteuil électrique, automobile adaptée...).
- Le sport fait partie intégrante de la rééducation. Natation, basket,
athlétisme, ping-pong, mais aussi tennis, tir à l'arc, canoë-kayac et
ski (entre autres) sont praticables et recommandés, tant lors de la
phase de rééducation active au centre de rééducation, qu'à titre
d'entraînement par la suite.
- La rééducation vésico-sphinctérienne doit rétablir un cycle
continence-évacuation compatible avec la vie sociale et obtenir la
vidange complète de la vessie à chaque évacuation. En cas de
fonctionnement automatique ou réflexe, des déclenchements mictionnels
sont tentés par percussions ou pulsions sus-pubiennes. En l'absence de
réflexe, l'écoulement des urines est provoqué par appui sus-pubien. La
vidange vésicale est assurée pendant la rééducation par des sondages,
effectués par l'infirmière puis, si cela est nécessaire et possible, par
le sujet lui-même. La technique de l'auto-sondage est couramment
employée, elle est sans danger si elle est pratiquée correctement. S'il
existe des fuites, on utilise un collecteur fixé à la verge par
auto-adhésifs chez l'homme, des couches chez la femme. Dans certains
cas, une sonde à demeure est nécessaire (fixée sur la cuisse chez la
femme, et chez l'homme de telle sorte que la verge soit relevée vers le
haut).
- La rééducation intestinale cherche à rétablir le réflexe
d'exonération fécale (défécation) à l'aide d'une stimulation appropriée.
Lorsque le réflexe est aboli, on aura recours à l'évacuation digitale.
Une alimentation riche en fibres et équilibrée, des boissons abondantes,
favorisent le transit intestinal, ainsi que la pratique du massage
abdominal 15 minutes avant la selle.
- La prévention des escarres suppose l'apprentissage par l'intéressé
lui même des gestes de surveillance de prévention des escarres. Il est
indispensable d'avoir une hygiène cutanée irréprochable et de changer de
vêtements et de garnitures en cas de fuites intempestives. En cas de
survenue d'une rougeur, la règle absolue est de supprimer tout appui à
cet endroit jusqu'à sa disparition ou sa nette atténuation. Dans tous
les cas il est essentiel de chercher la cause de survenue pour appliquer
une stratégie de prévention efficace. Les endroits chauds (radiateurs,
canalisations d'eau chaude ou de chauffage central) seront tenus à
distance des zones insensibles notamment des jambes et des pieds sous
peine de brûlures. Attention aux cendres de cigarettes et à la tasse de
thé que l'on pose sur ses genoux même avec un plateau !
- La préparation du retour au domicile est commencée dès que le
pronostic est connu et annoncé, aussi bien à la famille qu'à l'intéressé
lui-même.
Figure 7

La prévention des escarres passe par une bonne installation en fauteuil.
- Mauvaise installation en fauteuil; genoux trop hauts, risque ischiatique.
- Appui dangereux sur un seul ischion par bassin oblique.
- Répartition correcte des appuis.
Règles élémentaires de prévention de la stase intestinale (prévenir la stase, c'est aussi prévenir l'incontinence)
- Alimentation adaptée, boisson abondante.
- Stimulation et mobilisation de l'intestin (changements de position;
activité: manipulation du fauteuil roulant, sport en fauteuil roulant,
verticalisation; massage et percussion du cadre colique).
- Présentation régulière sur W.-C. ou chaise percée.
- Déclenchement adapté, le moins agressif possible.
Prévention des escarres chez les para/tétraplégiques
Soulagement et changement des appuis:
- assis: soulèvement fréquent;
- couché: changement de position (si impossibilité essayer matelas d'eau ou gonflable).
- Ne jamais s'asseoir sur un siège dur, mais toujours un coussin (mousse, gel, gonflable...).
- Surveiller: regarder avec l'aide d'un miroir et palper chaque soir la peau, en particulier les zones fragiles.
- Hygiène: avoir toujours une peau sèche, propre, en particulier au niveau de la région périnéale.
Vivre avec une paraplégie ou une tétraplégie
- L'organisation de la vie quotidienne commence par l'aménagement du
logement (ou à défaut la recherche ou la construction d'un logement
adapté) : entrée, cuisine, salle de bains, toilettes, chambre et séjour
devront être accessibles. Les sujets ne pouvant acquérir une totale
indépendance auront besoin d'une aide pour les soins ou pour les actes
de la vie quotidienne.
- La prévention des complications, le suivi médical. Les troubles
circulatoires (œdèmes, phlébites, embolies) seront évités par le port de
bas de contention veineuse, par l'installation en légère position
déclive la nuit (pieds surélevés), en évitant les vêtements trop serrés
aux genoux et aux hanches. Un suivi médical régulier en milieu
spécialisé est nécessaire une fois tous les ans ou tous les deux ans et
plus si nécessaire. Pour le suivi général, un médecin traitant au
courant de l'histoire clinique est utile pour toute intervention au
domicile et pour les affections intercurrentes.
- Le fauteuil roulant sera choisi avec l'équipe de rééducation et
réglé de telle sorte que les pressions soient réparties au maximum
(hauteur des cale-pieds notamment), (fig. 7) et que son maniement soit
facile et sans danger pour l'utilisateur (risque de bascule en arrière).
- Les transports. Le mode de transport le plus utilisé est la voiture,
soit avec aménagement du poste de conduite pour les paraplégiques
(conduite tout à la main), soit aménagement de l'accès permettant de
monter avec le fauteuil roulant.
- Les loisirs, les vacances, le sport